Olivier Bleys – Antarctique

Olivier Blays – Antarctique

Lire « Antarctique » est l’occasion de se plonger dans le monde absurde de la volonté des Russes d’occuper un territoire. Car quel besoin y a-t-il de faire vivre, sur cette base de Daleko, un botaniste, un géologue, un glaciologue, un chauffeur-mécanicien et un tractoriste alors qu’aucun humain ou animal ne peut vivre à cet endroit ?

Cette histoire est un thriller qui se déroule dans un huis-clos. Dès le début, on est fixé. Alors qu’ils jouent aux échecs, le tractoriste Vadim tue Nikolaï d’un coup de hache parce qu’il a triché. « C’était une première historique. Le premier meurtre jamais enregistré sur une station polaire, le premier assassinat perpétré en Antarctique ! Et, qui plus est, une première soviétique, bien qu’elle n’eût pas l’éclat de premier vol habité dans l’espace« .

Ne voulant pas vivre dans la même pièce que le cadavre, ils le déplacent dans « le cellier grand froid » où il va se conserver congelé. Quant au criminel, il est envoyé dans « dans le second, calfeutré avec soin, [où il régnait] un douillet moins quinze degrés« . La vie de Vadim ne va être possible que s’il se goinfre de nourriture et de vodka. Et celle du chef, Anton, compliquée par le problème de conscience d’envoyer Vadim à la mort de cette façon. Surtout qu’Anton, en accord avec les deux autres, Igor et Dimitri, rédige un long rapport qu’il compte transmettre aux autorités quand la radio marchera. Car la base isolée semble oubliée par leur hiérarchie qui semble aussi avoir oublié de leur donner une mission précise, sauf faire chaque jour « la toilette du buste en plastique de Vladimir Ilitch Lénine qui coiffait la station, ses petits yeux inquisiteurs tournés vers le nord-­est, à 22,5° précisément, dans la direction de la mère‑patrie« . Bien au chaud dans leur baraquement, les trois hommes s’ennuient, regardent par le hublot ce fou de Vadim qui se promène dans la base, portant accroché à son cou une icône de sainte Olga de Kiev, agaçant ses collègues par quelques excentricités, et se mettant à dégeler « un engin colossal : l’autochenille de trente-­cinq tonnes, longue de 8,5 mètres, large de 3,5, qui avait remorqué le bâtiment principal de la station depuis la mer de Davis« . On le voit, Vadim fait preuve d’un puissant instinct de survie. Où cela va-t-il le mener ?

Olivier Bleys n’a pas voulu que l’on s’ennuie à lire son roman, ni qu’on prenne froid. L’atmosphère aurait pu être lourde et sombre, déprimante, et même glauque. L’auteur décrit la situation avec un humour noir, un tantinet déjanté. A-t-il voulu montrer que les rapports humains sont complexes ? Où que les hommes sont cruels ? Où a-t-il voulu montrer à quoi mène la volonté de gloire et de puissance de la Russie qui marque ainsi son territoire ? Chaque lecteur choisira.
Il y a une intrigue qui mène à une fin absolument immorale. Ce qui est plutôt réjouissant !


Olivier Bleys
– Antarctique. – Gallimard, 2022. – (Blanche)
Ean : 9782070135349 – Ean de la version numérique : 9782072453076

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